>> La République du Centre du 15 juin 2009
>> La République du Centre du 15 juin 2009
Ce fut pour moi un plaisir de retrouver ce jeudi 11 juin à la porte de Versailles à Paris, Dominique Lyon, qui fut, avec Patrice du Besset, l’un des deux architectes de la médiathèque d’Orléans, avec qui je participais à une table ronde devant le congrès de l’association des bibliothécaires de France, et donc devant des centaines de bibliothécaires de toutes nos villes et nos départements, sur le thème de la place de la bibliothèque dans la ville.
François Ascher, est l’un de ceux qui ont le plus œuvré pour nous aider à penser la ville et les villes d’aujourd’hui et de demain. Tous ses livres en portent témoignage. Il avait bien voulu accepter de faire partie du groupe d’experts que j’avais réuni pour préparer le rapport Demain la Ville, que nous avons remis au gouvernement en 1988. Sa contribution fut très précieuse. François Ascher avait été l’un des premiers à penser le « renouvellement urbain ». Il avait été l’un de ceux qui avaient bien montré que si la « politique de la ville » se concentrait sur les « quartiers difficiles », elle se traduirait par une stigmatisation accrue de ces derniers, et que si l’on voulait vraiment changer les choses, il fallait repenser les villes et les aires urbaines dans leur ensemble autour de nouvelles mixités et de fonctionnalités mieux partagées. Il avait été précurseur avec son livre La République contre la ville, dans lequel il mettait en évidence les contradictions entre nos structures institutionnelles et la prise en compte du fait urbain. Il avait encore été précurseur en pensant la ville par rapport à la mobilité, en décrivant l’appartenance d’un nombre accru de citoyens à plusieurs espaces urbains, en décrivant la « nouvelle modernité » de notre société. Prolifiques, sa réflexion et ses écrits s’étendaient à nombre de sujets au-delà de l’urbanisme. Mais, à vrai dire, pour lui, tout était lié et il n’imaginait pas un instant qu’on pût dissocier les questions urbaines, sociales et environnementales – pour se limiter à ses trois termes -, qui étaient pour lui clairement interdépendantes.Il faut toujours savoir tirer les leçons d’une élection. Voici brièvement mes premières réflexions.
1- D’abord, le résultat, au niveau européen, est paradoxal. Ce qui marque la période que nous vivons, c’est une crise économique sans précédent. Celle-ci démontre la faillite de l’ultralibéralisme. Elle montre à quelle catastrophe peut conduire la folie financière qu’on connaît depuis des décennies. Or, dans toute l’Europe, c’est la droite qui l’emporte alors que celle-ci a très souvent soutenu un véritable dogmatisme libéral, position qui n’est plus tenable aujourd’hui. A l’inverse, ceux qui pensent qu’il faut mieux maitriser le cours des choses, se donner de vraies règles financières aux plan national, européen, international, organiser une société plus juste - et au premier chef les socialistes et socio-démocrates – n’ont pas été entendus.
2- On pourrait en conclure qu’en période de crise, les électeurs sont rétifs au changement. Nicolas Sarkozy l’a compris qui n’a cessé de parler de sécurité. Mais je crois que cette explication est un peu courte. François Chérèque a eu raison de faire observer que deux tiers des jeunes de moins de 30 ans et deux tiers des ouvriers n’étaient pas allés voter, ce qui veut dire que les personnes les plus directement touchées par la crise ne se sont pas exprimées, certainement parce qu’elles ont considéré que l’Europe, du moins telle qu’elle est aujourd’hui, n’apportait pas de réponse à leur désarroi. Mais je suis convaincu, parce que les faits sont têtus, que la question économique et sociale reviendra au cœur de l’actualité politique. Et que, de la réponse qui sera apportée par les uns et les autres, dépendront les choix politiques qui seront faits demain lors des prochaines échéances électorales.
3- Dans beaucoup de cas, le total des voix de gauche est supérieur au total des voix de droite. On l’a peu dit mais il ne faut pas pour autant oublier cette réalité évidente. Il y a eu à l’évidence le transfert d’une part importante de l’électorat qui avait précédemment voté socialiste, vers la liste Europe-Écologie. Pourquoi ? Les circonstances ont joué. L’émission d’Arlette Chabot et l’attaque de François Bayrou contre Daniel Cohn-Bendit, reprise en boucle sur tous les médias, ont eu pour effet que le match s’est en quelque sorte noué autour de la liste Europe-Écologie durant les derniers jours de la campagne. Mais le vote ne s’explique pas uniquement par ces circonstances. Et il faut tirer toutes les leçons du message envoyé par les électeurs qui ont dit la grande importance qu’ils attachaient aux thèmes de l’écologie, de l’environnement et de l’avenir de la planète.
4- Enfin, pour ce qui est des socialistes, il leur revient de dépasser les divisions du congrès de Reims. Il leur revient de travailler avec l’ensemble des partis de gauche. Il leur revient de préparer en lien avec les français un projet global, solide, réaliste et ambitieux. Il leur faut revoir aussi ses modes de fonctionnement. Et il revient à tous leurs dirigeants de penser à la maison commune plutôt qu’à leur égo. Tâche nécessaire, indispensable pour renouer avec l’espoir. C’est un nouveau défi à relever autour de Martine Aubry. L’enjeu ce n’est pas seulement l’avenir d’un parti mais c’est un projet fort pour la France.
Jean-Pierre Sueur
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