C’est Michel Gond, qui a remis ce samedi 8 mars les insignes de chevalier dans l’Ordre National du Mérite à Claude Richer, qui fut directeur de l’Imprimerie municipale d’Orléans, après avoir exercé son métier de typographe à l’Imprimerie Valentin, à l’Imprimerie Nouvelle et à l’Imprimerie du Centre, à Orléans. Claude Richer a également beaucoup œuvré en qualité de formateur dans le métier des arts graphiques. La cérémonie a eu lieu au siège départemental de la FNACA à Orléans : ancien combattant d’Algérie, Claude Richer est, en effet, secrétaire départemental adjoint de la FNACA et vice-président de l’Union départementale des anciens combattants (UDAC) du Loiret.
.Michel Silvestre est adjoint au maire de Tavers. Il aime cette commune qui borde la Loire, il a été mon étudiant, il y a quelque temps, à l’université d’Orléans, un étudiant brillant, autant attaché à la langue française qu’à la littérature.
Il nous offre aujourd’hui un livre qui propose seize nouvelles ou tableaux restituant la vie des habitants d’hier, encore si proches cependant, « de la Loire à la Beauce » (c’est le sous-titre du livre) en « Eclats de vie » (c’est le titre) qui sont autant de témoignages si bien écrits qu’ils ont valu à l’auteur le « prix du manuscrit 2013 Beauce et Dunois », et que, prix ou pas, cette qualité d’écriture s’impose et nous touche, tant on lit aujourd’hui de livre mal écrits. J’y reviendrai, après avoir ajouté que ce livre est publié aux éditions Ella (42 route de Chevannes, 28300 Lèves).
Cela commence à Tavers, ce beau village qui, même s’il s’est bien développé avec sa zone d’activité, est connu pour ses magiques eaux bleues, ses fontenils, son dolmen – la « Pierre tournante ». C’est là que Michel Silvestre situe des histoires gaies, féériques, parfois nostalgiques, que je vous laisse découvrir, avec une mention toute particulière pour la « fée Houlippe », histoire d’un vieil homme subjugué par l’apparition d’une jeune beauté, ce que personne ne veut croire au village, même s’il demeure après sa mort, au lieu même de cette troublante rencontre, un « clos Houlippe » étrangement fécond où le soleil a rendez-vous avec la vigne.
Plus sombres sont les histoires de la Beauce, pudiques, émouvantes, souvent tragiques.
Je terminerai en revenant sur l’écriture probe et soignée du livre. Ces vertus sont un hommage à l’Education nationale et à l’enseignement public auxquels je sais Michel Silvestre très attaché.
Je vous en livre deux témoignages.
Le premier nous rappelle ces lectures et dictées qui nous ont appris à lire et à écrire : « Il lui parlait de l’élégante aigrette garzette, du busard des roseaux d’envergure respectable et au vol pourtant léger, du butor étoilé plus lent et plus lourd, mais qui sait si bien se dissimuler dans les roselières ou du petit martin-pêcheur, timide malgré ses vives couleurs » (p. 76).
Le second évoque la Beauce : « Cette Beauce qui paraît si désespérante, âpre et languide, dure et douce, cette Beauce féconde qui gémit sous la caresse, qui s’ouvre à la semence et produit généreusement, cette Beauce-là ne se livre que par amour. Elle se refuse à ceux qui passent, indifférents, elle n’est pas aguicheuse, elle se mérite » (p. 138).
Jean-Pierre Sueur
.André Mulier, dans l’espérance que cela ne revienne pas.
C’est pourquoi nous devons être reconnaissant à André Mulier d’avoir écrit, avec l’aide et la complicité de Dany Percheron, ce livre intitulé « Vingt-trois mois dans les camps nazis. Buchenwald et Langenstein » (Editions L’Harmattan) qui raconte sa vie et plus particulièrement sa vie de déporté.
Cette vie-là fut terrible. C’est à juste titre que Dany Percheron cite dans sa préface cette phrase d’Edmond Michelet, qui fut, lui aussi, déporté : « Une certaine candeur nous est à jamais interdite » (p. 12).
André Mulier décrit la vie des camps, « les mascarades destinées à nous avilir » (p. 140). Il écrit : « La soif, c’est vraiment quelque chose d’abominable, cela vous anéantit » (p. 41). Il explique que « les Français, à cette époque-là, n’étaient pas si bien vus dans les camps par les autres nationalités qui leur reprochaient la défaite de 1940 et la collaboration de Pétain avec les nazis » (p. 47). Il nous parle des conditions de vie, atroces, et de toutes les souffrances endurées.
Il nous parle de son évasion et de la « réadaptation difficile » que ses camardes et lui-même vécurent à leur retour en France.
André Mulier revient à Pithiviers le 9 mai 1945, alors que cette ville est en fête. Il écrit : « Je ne comprends pas, je me demande ce qui se passe, tous ces gens en liesse et moi qui suis comme un abruti, complètement en décalage » (p. 74).
Et encore : « La vie a été très dure au retour des camps. Il nous a fallu énormément de temps, à nous déportés, pour nous réadapter à ce qui était considéré comme une existence « normale », celle de gens qui étaient à mille lieux de se douter de ce qu’avait pu être notre calvaire. Il y avait un fossé d’incompréhension entre eux et nous. Je ne voulais pas, je ne pouvais pas parler de cela. Nous ne l’évoquions justement qu’entre nous, les rescapés des camps. Et c’est d’ailleurs par mes camarades que, plus tard, mon épouse a appris ce qui m’était arrivé, je n’arrivais pas à communiquer à ce sujet » (p. 75).
C’est vrai : il fallut du temps pour que la France prenne conscience de l’horreur des camps et de la tragédie vécue par les déportés.
André Mulier nous rappelle qu’il y eut 90 000 déportés français (sans compter tous les autres), que 40 000 ne sont jamais revenus, que « bien d’autres ont survécu peu de temps » et que « tous les survivants ont porté, comme moi, à vie, les stigmates de leur déportation ».
Nous devons respect et grands remerciements à André Mulier pour son livre si précieux.
Jean-Pierre Sueur
.Dans un court essai qu’il vient de publier après de nombreux autres livres – romans, nouvelles, théâtre, poème – Jean-Pierre Perrin-Martin revient sur les « continuités et ruptures » qui ont marqué sa vie et présente son « aménagement mental actuel » après avoir exposé que celui-ci « a d’abord été agencé catholique et français. En 1956, la guerre d’Algérie me l’a irrémédiablement fêlé. Je m’en suis encore accommodé une dizaine d’années. Il a craqué. J’ai renvoyé mes papiers militaires, j’ai quitté le clergé, je suis devenu chauffeur-livreur, je me suis marié, je me suis engagé en politique ».
Le livre s’appelle « Faire société ». Le titre est, sinon un programme, du moins un projet, ou une espérance.
Il est publié aux éditions L’Harmattan.
Le premier chapitre s’intitule : « Où placer Dieu ? ». Jean-Pierre Perrin-Martin cite la parabole du Bon Samaritain et écrit : « Un Samaritain, ce pourrait être un Rom, un sans-papier, un méprisé » (p.14).
Le second chapitre porte sur les rapports entre « Nation et religion ». Jean-Pierre Perrin-Martin évoque « au milieu du vingtième siècle » (…) « une étonnante parenthèse d’Eglise de gauche : prêtres ouvriers, militants laïcs engagés, théologie de la libération… » (p. 30). Il évoque Guy-Marie Riobé : « Ses prises de position l’ont mis en porte-à-faux (…) Sa démission a été refusée. Il ne savait plus comment s’en sortir. En fatigue extrême, dépouillé de tout, il est parti au large en Méditerranée » (p. 30-31).
Le troisième chapitre parle de la politique. Il s’intitule « Front de gauche ». Jean-Pierre Perrin-Martin y présente son analyse, ses critiques, son réalisme aussi. Porter un projet n’est pas antagoniste de la constante nécessité de « limiter les dégâts ».
Je n’ai pas toujours été d’accord avec Jean-Pierre Perrin-Martin. Nous avons eu, et avons aussi, du moins je le pense, des points d’accord.
Je pense qu’il faut « entendre sa voix ». Mais je n’écris pas cela dans le sens où on dit : « Il faut de tout pour faire un monde ». Car c’est l’éternel discours conservateur et récupérateur, en vertu duquel on peut toujours considérer qu’« un peu de contestation ne fait pas de mal ».
Non. Je pense que ce livre et les précédents incitent à de vraies réflexions sur le sens du politique, les stratégies du changement, les ruptures nécessaires et les salutaires fidélités.
Jean-Pierre Sueur
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