Le malheur, notre peuple se lève, se dresse, dès que la liberté, dès que la liberté d’expression, sont en cause.
Cela était sensible à tout instant dans les rassemblements sans précédent qui ont eu lieu samedi à Orléans et dimanche à Paris – comme partout en France.
Nous sommes le peuple de Voltaire, de Victor Hugo, de 1789.
Nous sommes le peuple qui porte en lui un attachement irrépressible, irréductible, à la libre parole, à la parole libre et à l’écriture libre.
A l’heure d’Internet, ceux de Charlie s’exprimaient avec des crayons, des feutres et des stylos.
La caricature est subversive. Elle se moque des ordres établis. De tous les ordres établis, quels qu’ils soient.
Ce que les ennemis de la République ne supportent pas, ne supporteront jamais, ce sont ces simples dessins, ces œuvres de crayons, de feutres et de stylos qui, depuis les débuts de la République – et même avant – sont indissociables de l’idée que la France se fait d’elle-même.
Il y eut dix-sept victimes. Ne les séparons pas. Il y eut des dessinateurs, un journaliste, un gardien, un employé, un policier national, une policière municipale, quatre juifs clients d’un supermarché.
Ne les séparons pas. Certains sont connus, d’autres inconnus. Mais ils sont ensemble la France.
Ne négligeons aucun d’eux. N’oublions aucun d’eux. Unissons-les dans le même sentiment.
Il se passe quelque chose d’inédit, qui est sans précédent. C’est la première fois que je vois – ce dimanche – les manifestants applaudir les policiers.
Les policiers défendent les libertés au sein de l’État républicain. Ils ont beaucoup donné. Deux d’entre eux ont perdu leur vie.
Aux cris de « Je suis Charlie », j’ai entendu un homme crier samedi à Orléans « N’oubliez pas les morts d’hier » – ceux du supermarché de la Porte de Vincennes.
Nous ne les oublions pas. Nous ne les oublierons pas.
J’ai écrit sur Twitter : « Les juifs de France sont nos très chers compatriotes depuis toujours et pour toujours. » L’antisémitisme est odieux. Dénonçons-le. Combattons-le. Aussitôt avais-je écrit cela qu’on m’a répondu : Et les musulmans ? Et les chrétiens ?
Je réponds que les musulmans de France sont également nos chers compatriotes et qu’ils le resteront.
Je réponds : Respect.
Respect pour les chrétiens, pour les athées, pour les agnostiques. Respect pour toutes les religions, pour toutes les philosophies et toutes les convictions, dès lors qu’elles respectent la République et le principe de laïcité.
J’espère que cette mobilisation sans précédent, venue de tous et de partout, aura des suites, qu’elle durera, qu’elle régénèrera ce pays, puisqu’il a retrouvé ce qui le constitue le plus profondément.
Je sais que la politique reprendra ses droits. J’espère simplement que certains débats seront moins médiocres et qu’on se dispensera de certaines mises en cause et de certains arguments qu’on aimerait ne plus entendre.
Je sais aussi qu’il faudra prendre des mesures concrètes et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que ce que nous avons vécu ne se reproduise pas.
Le Premier ministre a reconnu qu’il y avait des failles.
Pour avoir été le rapporteur de la récente loi de programmation militaire, pour avoir soutenu la loi anti-terroriste promulguée le 14 novembre dernier, je demande d’abord que ces lois – et les autres lois en vigueur – soient strictement appliquées.
Je sais combien les deux lois que je viens de citer nous ont valu de critiques : nous avons été accusés d’être « liberticides » ! Soyons clair. Nous tenons à nos libertés. Mais c’est parce que nous y tenons qu’il faut les protéger.
Le rôle d’Internet est considérable. Je persiste à considérer qu’Internet ne saurait être un espace de non-droit. La liberté s’exerce dans le cadre de la loi. Dans la presse écrite, l’apologie du terrorisme et des décapitations, le racisme, l’antisémitisme, l’islamophobie, etc., sont sanctionnés pénalement. Je ne conçois pas qu’ils échappent aux mêmes sanctions lorsque les mêmes propos sont tenus et diffusés sur les « réseaux sociaux ».
Il faudra aussi faire les réformes nécessaires en matière de renseignement, que ce soit au niveau français ou européen.
J’aurai l’occasion de revenir plus longuement sur ces différents points.
En attendant, je redis qu’il faut être vigilants, très vigilants.
Je redis aussi que la plus grande victoire des terroristes serait de nous conduire à renoncer à être un Etat de droit. Il n’en est pas question. Mais le droit doit se protéger contre les ennemis du droit. Il doit se donner les moyens de les combattre et de les empêcher de nuire.
Ecrivant ces lignes ce dimanche soir, j’ai en mémoire les milliers de visages rencontrés, toutes ces Marseillaises entendues jusque dans le métro, tous ces visages fraternels, tous ces Français réunis et unis. Tout cela m’incite, en ces temps difficiles et au milieu des épreuves, à écrire en belles lettres bleues « Vive la France ! ».
Jean-Pierre Sueur
.Les mots manquent pour qualifier l’odieux attentat terroriste qui a fait, au moins, 12 morts et a décimé la rédaction de « Charlie Hebdo ». J’exprime ma totale et profonde solidarité. Nous devons faire bloc pour combattre cette horreur et défendre, envers et contre tout, la liberté de la presse et les valeurs de la République.
Jean-Pierre Sueur
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En sa qualité de rapporteur, Jean-Pierre Sueur participe cette semaine à un déplacement en Turquie d’une délégation de la Commission parlementaire d’enquête du Sénat sur l’organisation et les moyens de lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. Jean-Pierre Sueur aura de nombreux entretiens dans ce pays par lequel transitent les Français qui se rendent en Syrie dans le cadre des réseaux djihadistes et qui doit faire face à l’accueil de nombreux réfugiés syriens : entre un et deux millions.
Les conclusions de la commission d’enquête seront rendues publiques en mars.
La loi sur la simplification de la vie des entreprises adoptée définitivement par le Parlement et promulguée le 20 décembre 2014 reprend plusieurs propositions du rapport rédigé par Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli sur les Partenariats Public-Privé (PPP), qui a été rendu public en juillet 2014.
L'article 42 de cette loi dispose qu'une ordonnance précisera "les modalités d'élaboration des évaluations préalables à la passation" de ces contrats afin de renforcer leur "sécurité juridique et financière", les "conditions de recours et de mise en œuvre de ces contrats de nature à circonscrire leur utilisation" et fixera "un seuil financier à partir duquel le recours à un contrat global est possible".
Ce texte est issu d'un amendement du gouvernement en première lecture au Sénat qui, suite à un dialogue approfondi entre le gouvernement et le rapporteur de la commission des lois, reprend l'essentiel du contenu de cinq amendements qui avaient étét déposés par Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur.
L'exposé des motifs de cet amendement précise qu'il s'agit d'une "rénovation du cadre juridique du contrat de partenariat" fondé sur "une nouvelle doctrine de ce type de contrat (redéfinition des conditions de recours, renforcement de l'évaluation préalable et de l'étude de soutenabilité budgétaire...)" qui "doit s'accompagner de la suppression des biais administratifs et juridiques qui poussent certaines collectivités à recourir à ce type de contrat pour des opérations qui ne le justifient pas nécessairement".
Jean-Pierre Sueur s'est réjoui en séance de l'adoption de ces dispositions qui "suite à un dialogue très fructueux" reprennent "une part non négligeable" du rapport rédigé avec Hugues Portelli, assez proches des conclusions des rapports de l'Inspection des Finances et de la Cour des Comptes. Insistant sur les grands défauts de "l'étude préalable" telle qu'elle est définie aujourd'hui, il a dit : "L'étude préalable doit porter sur les capacités financières à moyen et long termes de la collectivité, de telle manière que les PPP ne soient pas des bombes à retardement. Ne laissons pas des dettes durables à nos enfants et petits-enfants". Il faut aussi préciser les notions d'"urgence et de complexité" qui justifient le recours aux PPP, conformément à la position du Conseil Constitutionnel. Il faut enfin veiller à ce que les PME soient parties prenantes à ces contrats (...). "Voilà un bon tiers des préconisations de notre rapport qui sont ainsi prises en compte".
Lire :
> L'article 42 de la loi du 20 décembre 2014
> Les amendements (n° com 12, 11 8, 9, 10) déposés par Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur
> L'amendement du gouvernement adopté en commission et en séance
> L'intervention de Jean-Pierre Sueur en séance publique
> Le texte intégral du rapport
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