JPS
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La première leçon que nous a donnée Michel Rocard au terme de tant d’années d’engagement politique, c’est que la politique peut être noble. Il n’est pas inutile de rappeler cela dans les temps que nous vivons.
Oui, la politique peut être noble. Michel Rocard s’est engagé dans le mouvement socialiste en 1949. Il y est toujours resté fidèle. Ce fut une constante fidélité à des valeurs fortes : justice, solidarité, droits de l’Homme, droits des peuples.
Cette fidélité aux valeurs le conduisit à des ruptures. Qu’importait pour lui les places ou les postes dans son parti même, dès lors que les valeurs étaient en jeu.
C’est ainsi qu’il rompit avec la SFIO pour créer avec d’autres – dont Pierre Mendès France, Alain Savary et Édouard Depreux – le PSA puis le PSU. Il refusait, de toutes ses forces, la politique algérienne qui était alors menée, il condamnait la torture, il militait pour l’indépendance de l’Algérie, la décolonisation et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il y eut ensuite le « colloque de Grenoble » sur le thème « Décoloniser la province », au cours duquel Michel Rocard fit un discours prémonitoire sur la décentralisation.
Le chemin était tracé. Michel Rocard s’investirait pour rénover la pensée de la gauche et des socialistes. Sa ligne de conduite tenait en deux mots : parler vrai. Il voulait que l’on prenne en compte les réalités du marché, de l’entreprise et de l’économie. Non pas pour s’y soumettre – ce qui est le choix des libéraux – mais pour réconcilier l’économie et le social, montrer qu’il est possible de construire une société plus juste et solidaire dans une économie ouverte.
Entre Guesde et Jaurès, il avait choisi Jaurès. Il était aussi l’héritier de Léon Blum. Il pensait que le mouvement socialiste français avait péché par étatisme aigu. Il croyait en la nécessité d’un État fort. Mais il voulait que l’État se concentrât sur ses missions.
Je me souviens, lorsqu’il fut question de nationalisations, l’avoir entendu plaider pour qu’elles se limitent à 51 % du capital dans certains secteurs stratégiques. Il trouvait absurde que, par idéologie, l’État devînt propriétaire de multiples filiales et même d’une usine « fabriquant des cafetières ». Il ne revenait pas à l’État de fabriquer des cafetières, ni d’ailleurs nombre d’autres choses.
S’il croyait en la nécessité du marché, il assurait que celui-ci était « myope ».
D’où l’importance de la puissance publique qui n’était pour lui nullement antagoniste de la liberté d’entreprendre, de créer, d’innover. Tout au contraire.
Social démocrate affirmé, il avait été profondément marqué par le modèle scandinave et par la personnalité d’Olof Palme, qui était l’un de ses nombreux amis.
Michel Rocard défendait le réalisme économique au service de la justice sociale. Si son projet n’avait pas été suffisamment pris en compte en 1981, il le fut dès 1983 sous son impulsion et celle de Jacques Delors et de Pierre Mauroy. Depuis, beaucoup de politiques se sont réclamés de lui, parfois à tort. En effet, si Michel Rocard défendait le réalisme économique, il le faisait toujours au service des valeurs qui étaient, pour lui, premières.
Il fut beaucoup « utilisé ». Ainsi, combien de fois a-t-on répété sa phrase selon laquelle « La France ne pouvait accueillir toute la misère du monde », en oubliant constamment la seconde partie de la phrase par laquelle il disait que la France devait faire le maximum et prendre toute sa part à l’accueil des êtres humains amenés à fuir de chez eux. C’est le cas des réfugiés qui, aujourd’hui, frappent à la porte de l’Europe.
Michel Rocard fut un grand réformateur. Ministre d’État chargé du Plan, il inventa les « contrats de plan », seule forme de planification efficace dans notre pays, car la logique contractuelle associant État et région permet – comme on le voit encore aujourd’hui – une planification efficace, réaliste et suivie d’effet, parce que librement négociée.
Il fut un grand ministre de l’agriculture. Je me souviens qu’il fit notamment voter à l’unanimité par le Parlement une loi sur l’enseignement agricole public et une loi sur l’enseignement agricole privé. Toutes deux, fruits d’une concertation avec les responsables concernés, sont toujours en vigueur.
Premier ministre, Michel Rocard fit voter le RMI qui, pour lui, devait favoriser l’insertion – c’était le mot important – des demandeurs d’emploi. Il se retrouva bien seul pour faire adopter la CSG qui est pourtant l’impôt le plus juste qui soit pour financer la Sécurité Sociale puisqu’il repose sur l’ensemble des revenus, à de rares exceptions près. Il parvint à établir la paix en Nouvelle Calédonie, au terme d’un dialogue très approfondi avec toutes les parties prenantes.
Il faudrait bien des pages pour retracer son action de maire, de député, de sénateur, de parlementaire européen, pour faire la liste de la trentaine d’ouvrages et des centaines d’articles qu’il nous laisse.
Il en faudrait encore d’autres pour évoquer ses conceptions sur l’avenir de la planète qui l’ont conduit à s’investir fortement pour l’Arctique et l’Antarctique. Il avait pris très au sérieux cette mission comme toutes les autres, multipliant les déplacements, rapports et adresses à tous les pouvoirs publics de la planète.
Il en faudrait davantage encore pour exposer sa foi en l’Europe. La construction européenne fut pour lui un engagement de chaque jour. Il trouvait le parti socialiste français trop hexagonal, et avait noué depuis sa jeunesse des liens avec les dirigeants sociaux-démocrates et socialistes des différents pays d’Europe.
Ses relations avec François Mitterrand furent complexes. Ils n’avaient pas la même culture. Ils n’avaient pas le même rapport à la politique. L’Histoire retiendra toutefois que durant trois ans, au moins, ils auront coopéré étroitement au service de notre pays, l’un comme président de la République, l’autre comme Premier ministre.
On me permettra quelques lignes plus personnelles. L’une de mes premières rencontres avec Michel Rocard eut lieu lorsqu’il reçut en 1968, rue Mademoiselle, une délégation de la section du PSU des étudiants des Écoles Normales Supérieures dont je faisais partie. Il nous reçut avec un grand sens de l’écoute et, je dois le dire, beaucoup de patience. Je l’ai vu pour la dernière fois il y a quelques semaines à l’Élysée, lorsque François Hollande lui remit les insignes de Grand Croix de la Légion d’Honneur. Il me remercia pour un texte que j’avais écrit sur son dernier livre – qui est l’un de ses meilleurs livres – intitulé : Suicide de l’Occident, suicide de l’humanité ?.
Entre temps, combien de rencontres, de réunions de travail, de réflexions partagées.
Michel Rocard aimait le Loiret. Il y avait des amis fidèles, et particulièrement Michel de la Fournière, ancien président de l’UNEF, avec qui il s’était beaucoup battu pour la cause algérienne et avec qui il a beaucoup travaillé au PSU puis au Parti socialiste.
Chaque année, en septembre, un séminaire rassemblait à Orléans la Source les responsables du PSU.
C’est à Orléans qu’eut lieu le congrès du PSU au cours duquel la majorité de ce parti décida de rejoindre le nouveau Parti socialiste lors des « assises du socialisme » de 1974.
Ensuite, Michel Rocard revint souvent dans le Loiret, en de multiples occasions.
Je l’avais invité à présider les fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans alors qu’il était Premier ministre. Il fit face à quelques perturbateurs de l’extrême droite. Il était outré que la figure de Jeanne d’Arc pût être récupérée par des personnes dont les valeurs étaient aux antipodes de celles de notre héroïne.
Sa dernière venue fut il y a cinq ans à Beaugency. Je me souviens que Michel Rocard y fit, trois heures durant, un exposé magistral sur l’état de la planète, traitant successivement de la crise politique, de la crise économique et de la crise écologique.
C’était dense. Et cette conférence, comme tant d’autres – comme tous ses livres – témoignait de sa volonté de réfléchir, comprendre, analyser le monde tel qu’il se transforme : ce fut toujours, chez lui, un effort de réflexion au service de l’action.
Un dernier mot. Homme de conviction, Michel Rocard n’était nullement sectaire. Il était ouvert à la pensée des autres. Il savait créer des liens.
Il avait le sens de l’écoute : lors des réunions, il noircissait des pages. Il écoutait chacun et s’efforçait de tirer le meilleur de ce que chaque intervenant exprimait.
Je me suis toujours défini comme « rocardien ». Aujourd’hui, je le suis plus que jamais.
Oui, Michel Rocard a constamment montré que l’action politique pouvait être noble. Ce n’est pas le moindre de ses mérites. Et c’est pourquoi son souvenir vivant restera en nos cœurs.
Jean-Pierre Sueur
C'est avec beaucoup de déception et d'amertume que j'ai pris connaissance, ce jour, à 14h, de la lettre de la directrice générale de l'Agence régionale de santé (que je joins à ce communiqué).
Le texte même de cette lettre montre que si tous les efforts possibles avaient été faits par tous, cette maternité aurait pu être sauvée dans le respect de la réglementation et des conditions de sécurité requises, à juste titre.
Il a suffi dans cette lettre de 15 lignes pour liquider tous les efforts accomplis pour permettre la permanence des soins dans les trois disciplines concernées. J'invite chacun à lire précisément ces 15 lignes. Leur lettre même vient justifier ce que je viens d'écrire.
Le président de la Commission médicale d'établissement, et ses confrères qui le souhaiteront, pourront - avec leur compétence propre - apporter à cet égard toutes les réponses et explications médicales et techniques appropriées.
Je regrette que certaines instances se soient cantonnées dans un rôle, certes utile, de "contrôleur" alors que l'on aurait souhaité qu'elles s'emploient à tout faire pour aider au recrutement des praticiens nécessaires et à remplir les conditions qu'elles édictent.
J'ai été profondément touché et marqué par la si forte solidarité qui a uni, et unit, personnels, médecins, élus et habitants puissamment attachés à leur territoire et à ses services publics.
> La lettre de l'ARS
Après avoir rencontré Cédric Benoist, président de la FDSEA du Loiret et Thierry Rondeau, secrétaire général, Valérie Corre, députée du Loiret et Jean-Pierre Sueur sont intervenus auprès de Manuel Valls, Premier ministre, au sujet de la situation très difficile de nombreux agriculteurs du Loiret qui, à la suite des catastrophes climatiques, voient leurs récoltes significativement réduites, ce qui engendre pour eux de lourdes difficultés économiques.
Ils ont demandé que ces agriculteurs puissent bénéficier du Fonds d’Allègement des Charges (FAC) et d’un report des annuités de leur dette, ce qui se traduirait par une « année blanche ».
Ils ont demandé un report corrélatif du financement des amortissements.
Ils ont enfin demandé que les zones touchées du Loiret puissent bénéficier des dispositions qui s’appliquent aux « zones intermédiaires », permettant d’étendre et de diversifier les types de culture.
Ils sont également intervenus dans le même sens auprès de Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture et de Nacer Meddah, préfet du Loiret.
Ce fut un vrai choc que l’annonce du « brexit » ce vendredi 24 juin au matin.
Européen de toujours, je me suis senti amputé.
L’Europe, c’est la grande cause de nos générations.
Et c’est une épreuve que de voir ce projet brisé, fût-ce en un seul pays – mais ce n’est pas n’importe quel pays !
Nous avons longtemps parlé d’élargissement.
Il nous faut maintenant faire face au rétrécissement.
Je déplore que le vote de ceux qui ont majoritairement voulu la rupture au Royaume-Uni ait été trop souvent un vote contre les étrangers et les réfugiés, davantage qu’un vote contre l’Europe – au terme d’une campagne en ce sens orchestrée, jour après jour, par une presse dite populaire qui n’a reculé devant aucun argument xénophobe.
Je sais que ce populisme et cette xénophobie menacent l’Europe entière.
Il faut y faire face.
Kipling nous a appris qu’il fallait, après les épreuves, les échecs, les défaites et les chocs, repartir, rebâtir, sans perdre un jour, une heure, un instant à d’inutiles lamentations.
Alors, rebâtissons une Europe qui soit moins technocratique, moins occupée et préoccupée des détails, mais qui soit centrée sur l’essentiel : la paix, l’emploi, l’investissement, les grandes infrastructures, la réponse aux défis de la planète, l’accueil maîtrisé et partagé des réfugiés, sans oublier l’université, la recherche, la science – en bref, tout ce qui prépare l’avenir.
Il y a un signe d’espoir : la très grande majorité des jeunes du Royaume-Uni ont voté pour l’Europe.
Ce n’est pas étonnant. Ils savent sans doute mieux que les plus âgés où sont les clés du futur.
Rien n’est jamais perdu. Toute épreuve appelle un sursaut.
Jean-Pierre Sueur